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Union européenne

Meloni et Von der Leyen en Égypte : un accord pour renforcer l’Europe forteresse et la chasse aux migrants

L’Union européenne a signé dimanche un accord sur l’externalisation des frontières avec l’Égypte qui s’inscrit dans une série de partenariats similaires avec des pays tiers pour la gestion des migrants. Cet accord met en lumière l’influence croissante de l’extrême droite sur la politique migratoire de l’Union.

Tommaso Luzzi

18 mars

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Meloni et Von der Leyen en Égypte : un accord pour renforcer l'Europe forteresse et la chasse aux migrants

Crédit photo : Commission européenne

Ces derniers mois, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, semble présenter deux visages bien distincts. D’un côté, il y a la candidate à sa propre réélection, qui déclarait, il y a à peine dix jours que « notre Europe pacifique et démocratique est contestée comme jamais par des populistes, des nationalistes, des démagogues, que ce soit l’extrême droite ou l’extrême gauche, les noms sont peut-être différents, mais l’objectif est le même, ils veulent piétiner nos valeurs et ils veulent détruire notre Europe, et nous, le PPE [centre-droite], ne laisserons jamais cela arriver ». De l’autre côté, il y a la présidente, qui arrive à la fin d’un mandat lors duquel elle a pleinement intégré l’extrême droite dans les instances de l’UE et laissé carte blanche à la présidente du conseil italien Giorgia Meloni, pour piloter la politique de l’union sur les questions migratoires..

C’était le cas ce week-end encore, au Caire, où une délégation de chefs d’État européens sont allés signer un accord sur l’externalisation des frontières, qui s’inscrit dans un effort plus large de construire une Europe forteresse et xénophobe. Une politique d’autant plus abjecte que nombre des réfugiés qui transitent par l’Égypte fuient des guerres et des conflits, comme le génocide en cours au Soudan, les conflits dans la corne de l’Afrique ou dans l’est de la RDC, voire la guerre Israël-Gaza dans l’hypothèse où les Gazaouis soient contraints de rentrer de force dans le Sinaï en raison de l’intensification des bombardements et exactions de l’armée israélienne à Rafah.

Au-delà des politiques migratoires, cet accord montre une recomposition des alliances politiques en Europe, à quelques mois des élections européennes qui devraient confirmer la montée de l’extrême droite sur le continent.

Ursula et Giorgia en week-end au Caire

Après la Tunisie, la Turquie où encore la Mauritanie, c’est au tour de l’Égypte de signer un accord sur l’externalisation des frontières de l’Union européenne. Concrètement, le pays du Moyen-Orient recevra 7,4 € milliards d’euros de l’UE, essentiellement sous la forme de subventions, prêts et investissements divers, qui vont en grande partie être alloués à la politique répressive et anti-migratoire d’al-Sissi, dont 200 millions explicitement dédiés à la « sécurisation des frontières », essentiellement pour le contrôle des départs de migrants vers l’Europe à travers la Libye.

Ces accords, comme celui que l’UE se prépare à signer avec le Maroc dans les prochaines semaines, ont suscité des cris d’alarme des ONG du secteur qui dénoncent des « arrestations arbitraires et mauvais traitements de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés par les autorités égyptiennes ». La semaine dernière encore, 60 personnes, dont 5 enfants, sont morts en Méditerranée après que leurs appels téléphoniques ont été ignorés par les autorités européennes pendant plus de 6 jours.

L’Égypte est confrontée à une crise économique d’ampleur, avec un taux d’inflation qui a atteint 38 % en septembre et plus de la moitié des Égyptiens se retrouvent proches ou en dessous du seuil de pauvreté, en plus d’une crise de dette latente. Le 6 mars, al-Sissi a signé un accord avec le FMI, pour un programme de soutien de 8 milliards de dollars, ainsi qu’un plan d’investissement de 35 milliards de dollars avec le fonds d’investissement du gouvernement émirati.

De l’autre côté de la Méditerranée, l’Europe se prépare aux élections ; face à la montée de l’extrême droite dans les sondages, la Commission européenne cherche la surenchère xénophobe. En février, l’UE a signé un pacte pour augmenter les moyens de son agence de contrôle des frontières Frontex, qui compte désormais 10 000 agents.

La course aux élections commence, un boulevard s’ouvre pour l’extrême droite

Depuis quelques semaines, l’ambiance a changé à Bruxelles, où la politique est faite par consensus, où la gauche et la droite gouvernent ensemble au Parlement et à la Commission, et où les chefs d’État d’extrême droite collaborent avec leurs homologues de centre-gauche. Campagne électorale oblige, les différences idéologiques réapparaissent, pour donner l’impression aux électeurs qu’après le 9 juin, une Europe un peu différente peut émerger.

Cependant, depuis les dernières élections, le rapport de force entre familles politiques en Europe a considérablement changé, et la figure de proue de ce nouvel équilibre est la cheffe de gouvernement italien. Son élection en 2022 marque la première fois que l’extrême droite dirige un gouvernement dans un pays aussi puissant de l’union. Mais la dirigeante italienne, qui revendiquait Mussolini dans sa jeunesse, s’est rapidement intégrée dans les couloirs du pouvoir européen. Elle a établi sa légitimité aux yeux des institutions bruxelloises, en complétant le programme de relance post-COVID, est devenue une des voix les plus fortes sur le soutien militaire à l’Ukraine et l’OTAN (à la différence du Hongrois Victor Orbán ou du polonais Morawiecki), et s’apprête à accueillir le G7 en Italie cet été. En échange, Ursula von der Leyen lui a donné carte blanche pour diriger la politique migratoire du continent. Sans véritable opposition au niveau européen, Giorgia Meloni est en train de consolider une politique anti-migrants encore plus répressive en externalisant les frontières européennes à des pays-tiers.

Il est clair qu’Ursula von der Leyen n’attendait que ça : qu’un grand pays de l’union ait un dirigeant non aliénant qui soit prêt à mener des politiques migratoires répressives aux frontières externes. La présidente sortante de la Commission sait qu’elle a besoin du soutien de l’extrême droite italienne pour assurer sa propre réélection, que ça soit au sein du Conseil européen ou au Parlement où le parti de Meloni, Fratelli d’Italia, verra sa délégation doublée selon les derniers sondages.

Après 5 ans de gouvernance conjointe entre la droite et le centre-gauche, cette élection va rebattre les cartes du pouvoir dans les institutions européennes, et la nouvelle Commission regardera sans doute vers la droite de l’hémicycle de Strasbourg pour former une nouvelle coalition.


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