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Revolution permanente : Suite au drame au CHU de Reims a émergé un débat sur la sécurité à l’hôpital, Emmanuel Macron a utilisé cet exemple pour parler de « décivilisation », comment tu te positionnes par rapport à ça ?

Pierre Schwob Tellier : C’est parce que l’hôpital est en souffrance et qu’il a du mal à répondre aux besoins que la violence d’augmente. Avant qu’un patient passe à l’acte, il y a un long chemin : une absence de suivi, une rupture de traitement, etc. Il y a quelques années on hospitalisait avant le passage à l’acte, tandis que maintenant comme on peut plus réaliser de suivi, on est obligé d’attendre le passage à l’acte pour hospitaliser.

On a créé le collectif inter-urgence en 2019 parce qu’il y avait des violences sur le personnel, nous ce qu’on demandait ce n’était pas des portes blindés ou des caméras de surveillances mais plus de personnels et plus de lits. Les caméras n’ont jamais stoppé les violences mais ça coûte moins cher que de remettre des lits et du personnel. Quand le gouvernement parle de renforcer la sécurité, c’est juste de la communication pour ne pas s’attaquer à la cause de ces violences.

RP : Cet événement il met évidement en avant la tension qu’il y a dans les hôpitaux avec un manque de personnel et de moyens, comment est la situation dans ton service ?

PST : Ce matin quand j’ai fini mon service, plus de 8 personnes attendaient d’être hospitalisées. Elles avaient toutes plus de 70 ans. On a des patients qui passent 48h aux urgences. Sur mon secteur, deux services d’urgences sont fermés la nuit par manque de personnel. Les autres services en sont d’autant plus surchargés et la conséquence c’est que plus de soignants songent à démissionner. Je pense que ça va péter dans pas longtemps.

Révolution Permanente : Par ailleurs, ce drame montre la défaillance du système de santé dans la prise en charge personnes atteintes de troubles psychiatriques, comment se passe aujourd’hui leur prise en charge ?

PST : Les premières victimes de la casse de l’hôpital public ce sont les personnes avec des troubles psychiatriques et les personnes âgées. En psychiatrie ça fait des années que les collègues tirent la sonnette d’alarme, plus de 40 000 lits ont été supprimés ces dernières années. C’est l’un des secteurs où les conditions se sont le plus dégradées, l’insuffisance en termes de psychiatres et moyens est lamentable.

Dans une phase aigüe on va « contentionner » le patient parce que ça peut être dangereux pour lui ou pour nous. Mais avant quand on le shootait, il était vu par un médecin psychiatre dans les 12 heures et il partait en hospitalisation. Aujourd’hui quand on appelle il n’y a plus de lits donc on est obligé de le garder attaché encore 3 jours. Au bout d’un moment c’est de la torture, donc évidemment qu’après les personnels ont des ressentis contre les personnels soignants. Ce que je veux dire c’est qu’on commence à créer de plus en plus ce genre de patient parce que nos conditions d’accueil sont devenues désastreuses. Le drame de la semaine dernière n’est pas un cas isolé et je crains qu’il y en ait de plus en plus.