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Portrait

Qui est Bernard Cazeneuve avec qui Roussel et Autain veulent discuter ?

Rencontre avec Roussel, entretien dans Politis avec Clémentine Autain : Bernard Cazeneuve, l'ancien ministre de l'intérieur de Hollande qui a réprimé les manif et les grèves contre la Loi Travail, serait-il redevenu fréquentable à gauche ? Retour sur le parcours de cet ennemi des travailleurs

Joël Malo

27 avril 2023

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Il y a des noms comme ça qu’on traîne dans un coin de sa mémoire, des mauvais souvenirs qu’on pense définitivement enterrés, mais qui rejaillissent accidentellement de temps à autre : Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Parti socialiste… Ces dernières semaines, c’est Bernard Cazeneuve qui tente de refaire surface, bien aidé par la presse bourgeoise et les mains tendues de Fabien Roussel.

Bernard Cazeneuve est une incarnation du social-libéralisme, au moment de sa phase terminale. Politicien sans grande envergure, arrivé par hasard à des postes ministériels, il se rêve aujourd’hui en dernier espoir de la gauche et en sauveur pour 2027. S’il est utile de faire le portrait de Bernard Cazeneuve, c’est moins parce qu’il aurait un quelconque avenir politique, que pour rappeler que des figures de la NUPES, comme Fabien Roussel ou Clémentine Autain, acceptent poliment de discuter avec l’éborgneur de Hollande. Celui dont la police a tué Rémi Fraisse et Adama Traoré.

Quelqu’un se rappelle qui c’est celui-là ?

Souvent, les politiciens vivent une jeunesse radicale avant de se ranger et de faire carrière au service des puissants. Bernard Cazeneuve, même étudiant, était déjà un modéré. Militant dans les jeunesses du Parti radical de gauche (parti qui a poursuivi son évolution politique pour se fondre dans le macronisme), Cazeneuve rejoint le Parti socialiste dans les années 1990. Devenu apparatchik local adoubé par le baron Fabius, il chasse les mandats dans le Cotentin, avant d’être élu député en 1997.

Au PS, il fait partie de l’aile droite néo-libérale. Porte-parole de Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, il est ensuite nommé ministre délégué aux Affaires européennes après la victoire. Il défend le Pacte budgétaire européen, programme austéritaire qui instaure notamment la fameuse « règle d’or » budgétaire, au nom de laquelle les gouvernements justifient l’austérité et les attaques contre les travailleurs.

Après la démission en catastrophe du fraudeur fiscal Jérôme Cahuzac, Cazeneuve le remplace comme ministre du Budget. Là aussi il se fait le chevalier de l’austérité, en voulant tailler dans les dépenses publiques. Comme son mentor Fabius, Cazeneuve est un défenseur acharné des riches et des spéculateurs à qui il veut éviter de payer des impôts.

Finalement, c’est en 2014 qu’il se révèle au grand public en devenant ministre de l’Intérieur, en remplacement de Manuel Valls, devenu Premier ministre. Il est en charge de la répression violente de la ZAD de Sivens où sa police assassine Rémi Fraisse. Mais la liste est en réalité bien plus longue : Abdoulaye Camara, Amadou Koumé, Dominique Burger, Pierre Cayet, Babacar Gueye, Mehdi Farghdani, Adama Traoré… Voici quelques-uns des noms des personnes décédées à cause de la police de Bernard Cazeneuve. Dans chaque cas, à ces morts ont fait suite toutes les manœuvres possibles pour empêcher les familles, les collectifs de faire la lumière, la vérité et la justice sur ces affaires et pour blanchir les policiers ou les gendarmes.

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C’est Bernard Cazeneuve qui a interdit les manifestations de solidarité avec la Palestine, appliqué les mesures d’état d’urgence, criminalisé les quartiers populaires, assigné des militants associatifs à résidence, réprimé des syndicalistes. La répression de la manifestation parisienne lors de la COP21 en décembre 2015 avait alors marqué un saut à large échelle de la répression du mouvement social.

C’est finalement en 2016, lors du mouvement contre la Loi Travail que Cazeneuve a vraiment marqué les esprits. Les violences policières ont explosé contre les manifestations, d’une manière inédite depuis des années. A l’époque, Laurent Nuñez (actuel préfet de Paris, ancien bras droit de Castaner pendant les Gilets jaunes) n’était que préfet des Bouches-du-Rhône et était chargé de réprimer violemment les grévistes de Fos-sur-mer, sous les ordres du ministre.

En décembre 2016, celui que les manifestants avaient surnommé « Gazneuve », en raison de son penchant immodéré pour la lacrymo, devient Premier ministre, nommé au pied levé après le départ de Manuel Valls, candidat à la primaire socialiste, avec le succès que l’on sait. Bernard Cazeneuve détient ainsi le record du plus court passage à Matignon, nommé en plein naufrage de la Hollandie.
Depuis, Bernard Cazeneuve est resté au service de la bourgeoisie. Immédiatement après avoir quitté son fauteuil de Premier ministre, il s’est associé en tant qu’avocat d’affaires à un cabinet prestigieux.

L’union de la gauche, élargie à Cazeneuve ?

Comme Cazeneuve doit le gros de sa carrière, à ce qu’il a fallu trouver des remplaçants en urgence, il se voit déjà remplacer Emmanuel Macron. Visionnaire, Cazeneuve veut prendre l’espace qui existe à gauche de Macron et à droite d’Olivier Faure : c’est-à-dire à peu près le tiers droit de ce qu’il reste du cadavre du PS.

Mais le fait que ce retour d’entre les morts soit perçu comme une perspective de ralliement pour les partis dont la base est majoritairement (sinon uniquement) constituée d’élus locaux, tant chez les anti-NUPES (les élus locaux du PS et du PRG, groupés autour de Delga et d’Hidalgo) qu’en son sein (PC) est évocateur. Clémentine Autain en vient même à accepter un débat dans Politis pour discuter des « points de convergence peut-être, mais aussi de divergence » avec l’ancien premier ministre.

Il s’agit d’un symptôme des pressions à l’intégration (encore davantage) au régime qui pèsent sur l’attelage électoral de la gauche des institutions. Après le tournant à droite de la FI qui a déroulé le tapis rouge au PS et à EELV pendant les législatives, la victoire électorale de « l’union de la gauche » contre le macronisme ou contre l’extrême droite pourrait-elle servir de prétexte pour repeindre en rouge un pilier du hollandisme (et donc responsable en premier lieu de la montée et du macronisme et du lepenisme) ?

Face à la crise démocratique et économique en cours, Cazeneuve plaide pour plus de 5ème République, plus de présidentialisme, pour le retour au septennat par exemple, et se veut le garant de la gauche réaliste. Celle qui lutte contre la retraite à 60 ans par exemple et protège les intérêts du patronat.

Rien qui ne le différencie beaucoup du reste du PS. A part peut-être qu’Olivier Faure a compris qu’il vaut mieux ne pas le dire trop fort et profiter, pour le moment, que LFI ait sauvé le PS d’une mort certaine.

Face à une lutte très importante du mouvement ouvrier, par la méthode de la grève, qui a approfondi la crise politique de la Vème République, les contradictions de la NUPES se révèlent au grand jour. C’est ce qui se joue, autour de son fameux « acte II ». Face à LFI, « trop à gauche pour les institutions et trop à droite pour la rue et la lutte des classes », les autres composantes essayent de se repositionner.

Faut-il faire sans la FI comme le propose Cazeneuve, faire l’union jusqu’à Cazeneuve comme le propose Roussel ou bien se « soc- démiser » comme le propose Ruffin ? Les débats vont bon train pour savoir de quelle manière la colère ouvrière qui n’a fait que commencer à exploser, pourrait être tordue et canalisée dans une perspective institutionnelle.

A lire : La mobilisation ouvrière en cours et la crise du projet stratégique de la France Insoumise


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