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Lutte pour les salaires

Toulouse. Après une journée de grève historique, quelles suites pour la mobilisation à Tisséo ? 

Métro bloqué pour la première fois depuis 1992, envahissement du siège : la détermination était énorme chez les salariés de Tisséo ce mardi. Face à cette profonde colère et au mépris de la direction, l'intersyndicale appelle à une prochaine journée de grève le mardi 18 avril.

Alberta Nur

14 avril 2023

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Toulouse. Après une journée de grève historique, quelles suites pour la mobilisation à Tisséo ?

Crédits photos : Révolution Permanente Toulouse

Une colère énorme

Dans le cadre des NAO (négociations annuelles obligatoires), la direction de Tisséo tente de remettre en cause la clause de sauvegarde qui indexe annuellement les salaires sur l’inflation dans l’entreprise. Face à cette attaque profonde sur fond d’inflation record, les salariés ont répondu par une mobilisation d’ampleur ce mardi 11 avril. Avec 80% de grévistes et les lignes de métros à l’arrêt pour la première fois depuis 1992, la mobilisation entre en effet dans l’histoire de l’entreprise. Une salariée qui faisait grève pour la première fois nous expliquait en ce sens : « C’était la goutte de trop, il fallait qu’on dise quelque chose ».

Un évènement qui s’inscrit dans une dynamique plus large : les grèves pour les salaires se multiplient dans des dizaines et des dizaines d’entreprises ces dernières semaines, poussées par l’élan de la mobilisation contre la réforme des retraites, comme chez Samsic, au Sivom du 91 ou encore à Genavir. Face à l’inflation, les salariés relèvent la tête !

Chez Tisséo, où les salariés se sont aussi mobilisés contre la réforme des retraites, le mépris de la direction ne passe plus. Après avoir été en première ligne pendant la crise sanitaire, les salariés de l’entreprise de transports toulousaine refusent ce nouveau crachat à la figure qu’est la remise en cause de la clause de sauvegarde qui, de fait, revient à faire baisser leurs salaires réels au moment même où les prix explosent.

En grève pour leurs salaires, les salariés de Tisséo dénoncent également leurs conditions de travail qui se dégradent au quotidien. Comme le signale l’appel à la grève de l’intersyndicale pour le mardi 18 avril : « Au-delà de la clause de sauvegarde, l’ensemble des salariés n’accepte plus l’attitude hautaine du directeur général Thierry Wischenewski qui n’a aucune considération pour les salariés de l’entreprise ».

Au micro de Révolution permanente, les grévistes expriment leur colère : « Il gagne 15 000 euros par mois et c’est nous qui devons payer », s’exclame un gréviste, pour qui le salaire du patron est à l’image de son mépris pour les conditions de travail des salariés. « Les gens ne se rendent pas compte : nous à Tisséo on travaille en décalé, le weekend, la nuit, tôt le matin, donc ça a des impacts sur notre vie de famille et notre santé », s’émeut l’une de ses collègues. En conséquence, l’entreprise peine à embaucher : « plus personne ne veut travailler ici, c’est trop dur », explique un salarié. L’été dernier, faute de personnels, l’entreprise aurait convoqué des salariés retraités pour conduire certains tramways. Pour l’été prochain, c’est en recrutant des étudiants non-formés, payés au lance-pierre, que l’entreprise espère combler ses problèmes d’embauche.

« Vous êtes la honte du service public » : une direction gonflée de mépris

Après le rassemblement de plus de 500 grévistes devant le siège de la direction, les salariés ont décidé d’envahir le siège pour exposer leurs revendications et leur colère au directeur. Un envahissement qui ne semble pas encourager la direction à vouloir changer de braquet. Face aux centaines de salariés venus à sa rencontre, le directeur d’exploitation a fini par sortir de son bureau. « Vous êtes la honte du service public », a-t-il lancé aux grévistes. Une nouvelle insulte à tous les grévistes dont les conditions de vie sont en jeu.

« Ce n’est pas lui qui se lève à 4 heures du matin, il arrive tranquille au bureau à 9 heures. Il faudrait qu’il se rappelle qu’il a besoin de nous, c’est grâce à nous que ça fonctionne », rappelle une gréviste avec colère. En refusant de les recevoir et en insultant les salariés, Thierry Wischenewski, directeur de Tisséo, a démontré une nouvelle fois qu’il est prêt à mener l’offensive jusqu’au bout, il va falloir un rapport de force à la hauteur de son mépris pour l’en empêcher.

Pour un plan de bataille à la hauteur de la détermination

Dans une courte assemblée générale, les salariés ont discuté des suites de la mobilisation. Au début, l’intersyndicale a proposé la date du 9 mai comme prochaine « journée noire » de mobilisation. Une date jugée bien trop éloignée par les salariés en grève, parmi lesquels a émergé la proposition de reconduire le mouvement dès le lendemain. Finalement, sous la pression des grévistes dans l’assemblée, qui ont démontré leur détermination à instaurer un rapport de force conséquent face à la direction, l’intersyndicale Sud, CFDT, CGT et FNCR a appelé à une prochaine journée de grève le mardi 18 avril.

Cette journée s’annonce d’ores et déjà très suivie. Mais si elle peut être un point d’appui pour construire un rapport de force conséquent contre le patron, elle ne résout pas la question centrale de construire une grève reconductible. Alors que Tisséo ne veut rien lâcher, les travailleurs ont besoin de perspectives de lutte à la hauteur de leur colère. Comme le notent déjà certains travailleurs : c’est le moment d’y aller, face à un patron qui ne s’arrêtera pas à cette attaque.

Plusieurs salariés abondent en ce sens sur le piquet de grève : « On a vu avec les retraites qu’il faut y aller tout d’un coup », nous livre un gréviste. C’est aussi ce que rapporte Serge Méda en expliquant « On a eu 80% de grévistes mardi. Comme au niveau national, on est dans une hésitation entre reconductible ou journées d’action. Pour la débloquer, il faudrait que la base des travailleurs prenne le mouvement en main ».

Au niveau national, la lutte contre la réforme des retraites montre justement l’impasse de la stratégie des journées isolées. Face à une direction plus méprisante que jamais, la grève reconductible est la seule manière d’obtenir gain de cause. C’est notamment ce qu’ont montré récemment les travailleurs de Samsic à l’aéroport de Roissy : organisés en assemblée générale pour décider des modalités de la mobilisation, c’est après deux semaines de grève reconductible qu’ils ont obtenu le maintien de leurs acquis sur les salaires . Grâce à l’auto-organisation, ils ont organisé une caisse de grève et ont bénéficié d’une large solidarité de la population, ce qui a permis à l’ensemble des salariés de se mobiliser dans le temps.

Ainsi, la construction d’assemblées générales où l’ensemble des salariés peuvent prendre en main leur grève, discuter de la meilleure manière de faire plier la direction, apparaît comme un enjeu primordial pour la suite de la mobilisation à Tisséo. Si une assemblée s’est tenue mardi dernier sur le piquet de grève, elle n’a pas servi à trancher collectivement les modalités du mouvement. Alors que les salariés ont des avis divergents sur la façon de construire la suite, une assemblée générale organisée avec l’objectif de discuter de la situation et de voter collectivement en conséquence est une nécessité pour la suite du mouvement.

Cela permettrait d’anticiper les difficultés et les obstacles à la grève. En particulier, alors que l’inflation fait exploser le coût de la vie, le poids économique des journées de grève est un obstacle à prendre en compte. Il est possible de le surmonter collectivement, en construisant une caisse de grève gérée par les grévistes eux-mêmes pour permettre à l’ensemble des salariés de se mobiliser. C’est là une condition pour que la colère qui gronde puisse se traduire concrètement par un départ massif en grève reconductible, à même de dépasser la stratégie perdante des journées isolées. 

Dans ces coordonnées, faire du mardi 18 avril une journée de grève aussi réussie que la première est un enjeu clé pour construire un plan de bataille à la hauteur : construire et installer la reconductible pour arracher la victoire face à un directeur général qui ne veut rien lâcher. Alors que la colère concernant l’inflation dépasse les murs de Tisséo, la mobilisation des salariés de Tisséo a suscité une vague importante de soutien parmi les habitants de la ville rose. Alors que les tendances à la grève reconductible contre la réforme de Macron commencent à s’essouffler après plus d’un mois, une grève massive et déterminée des travailleurs des transports toulousains pourrait insuffler une nouvelle dynamique au monde du travail et de la jeunesse de la ville rose. Dans le cadre d’un mouvement national inédit contre la retraite à 64 ans d’un gouvernement qui n’offre comme seule perspective que de mourir au travail, une lutte contre un patron méprisant qui attaque ses salariés est la lutte de toutes et tous !

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