« Il est difficile aujourd’hui de mettre fin à l’état d’urgence. D’autant plus que nous allons nous engager dans une campagne présidentielle dans quelques semaines avec des meetings, avec des réunions publiques. Donc il faut aussi protéger notre démocratie », a déclaré le premier ministre au cours de l’émission BBC HARDtalk, ce dimanche. Mais quelle signification se cache derrière cette illusoire « protection de la démocratie » ? Après une année passée sous l’état d’exception, le bilan n’est pas brillant. Si l’état d’urgence n’a pas empêché le terrible attentat à Nice – qui avait été l’occasion d’une énième prolongation dudit état d’urgence - ou le prêtre égorgé à l’Eglise Saint-Etienne du Rouvray, il a en revanche permis de bâcler de nombreuses procédures judiciaires, d’arrêter des milliers de personnes, d’augmenter significativement la répression policière… Depuis la mise au pas de ceux qui protestaient contre la COP21 il y a bientôt un an jusqu’au meurtre d’Adama Traoré cet été, en passant par les violences policières qui ont fait rage pendant la mobilisation contre la loi travail, les victimes de cette mesure se comptent par milliers dans notre camp social. En somme, l’état d’urgence n’a fait que faciliter et accentuer les agissements d’une police et d’une justice de classe, qui avaient déjà cours depuis bien longtemps.

« Par ailleurs, ce dispositif d’état d’urgence nous permet aussi des interpellations, des contrôles administratifs qui sont efficaces […] Donc oui, nous allons vivre encore sans doute pendant quelques mois avec cet état d’urgence » a également indiqué Manuel Valls au cours du même entretien. Cette déclaration, couplée aux paroles rapportées de Hollande dans Un président ne devrait pas dire ça (« Imaginons quil n’y ait pas eu les attentats, on n’aurait pas pu interpeller les zadistes pour les empêcher de venir manifester. Cela a été une facilité apportée par l’état d’urgence, pour d’autres raisons que la lutte contre le terrorisme, pour éviter qu’il y ait des échauffourées »), ne fait que confirmer le tournant répressif opéré par le gouvernement depuis de nombreux mois. Le terrorisme n’est qu’un prétexte à la répression qui s’abat contre les militants, les personnes racisées et les quartiers populaires.

La « démocratie » que souhaite protéger Manuel Valls en prolongeant l’état d’urgence ad vitam æternam ne désigne en réalité que l’illusion de paix sociale que voudrait imposer le gouvernement. Préparons dès maintenant la riposte, et faisons front pour la défense de nos droits démocratiques, contre l’état d’urgence permanent.

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