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Mouvement des agriculteurs

15 interpellations vers Rungis : Darmanin commence à réprimer la mobilisation des agriculteurs

Quinze personnes ont été interpellées ce mercredi aux abords de Rungis pour « entrave à la circulation », alors que le gouvernement hausse le ton contre toute radicalisation du mouvement paysan, main dans la main avec la FNSEA.

Arsène Justo

31 janvier

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15 interpellations vers Rungis : Darmanin commence à réprimer la mobilisation des agriculteurs

Crédit image : capture d’écran Huffington post

Edit à 18h33 : De nouvelles interpellations sont à priori en cours, concernant une quarantaine de personnes. Selon CLPRESS, des agriculteurs en provenance d’Agen qui s’étaient rendus à Rungis sont placés en garde à vue uns à uns avant d’être transférés au commissariat.

Des « lignes rouges » à ne pas franchir

Alors que plusieurs centaines d’agriculteurs tiennent depuis deux jours un « siège » de Paris, dans l’objectif d’imposer un certain nombre de revendications, le gouvernement commence à durcir la répression. 15 000 policiers et gendarmes supplémentaires ont ainsi été mobilisés dans toute la France, tandis que des blindés de la gendarmerie entourent Rungis et les principaux aéroports franciliens depuis dimanche soir. Ce matin, quinze personnes ont été interpellées, officiellement pour « entrave à la circulation » au niveau de Rungis.

Pour rappel, Rungis abrite le plus grand marché de produits frais au monde, où sont acheminées en continu des denrées de toutes l’Europe et où viennent se fournir la quasi-totalité des enseignes de grande distribution et de restauration d’île-de-France. Il s’agit donc d’un point stratégique central, qui incarne aux yeux de nombreux agriculteurs le symbole par excellence de leur exploitation par les géants de la grande distribution.

Une réalité dont le gouvernement est on ne peut plus conscient, et qui explique pourquoi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré ce matin sur France 2 qu’il ne « laissera pas faire » les agriculteurs qui ne respecteront pas ses « lignes rouges », ces dernières étant justement l’interdiction de s’approcher de Rungis, des aéroports et de Paris elle-même. L’objectif du gouvernement est clair : contenir le mouvement dans un cadre le plus « pacifiste » possible, le temps de trouver un compromis avec la FNSEA, son alliée traditionnelle dans le secteur paysan, qui se trouve par la force des choses propulsée à la tête du mouvement de contestation.

La FNSEA main dans la main avec le gouvernement

Les intérêts de la FNSEA, dirigée par un consortium d’agro-businessmen et de très gros exploitants, convergent en effet avec ceux du gouvernement, contre une partie importante des revendications de la base des agriculteurs. Il convient dès lors pour la corporation et pour le gouvernement de réussir le jeu d’équilibriste suivant : apaiser la colère des agriculteurs, sans que la direction de la FNSEA ne soit discréditée aux yeux de sa base, en touchant le moins possible aux intérêts capitalistes et si possible en canalisant le mouvement afin d’en faire une offensive anti-écologiste et xénophobe. Dans cet esprit, le gouvernement comme la FNSEA savent qu’ils ont tout à gagner à criminaliser les éléments les plus radicaux du mouvement.

Arnaud Rousseau, l’agro-businessman à la tête de la FNSEA, a ainsi appelé ce midi « au calme et à la raison », condamnant toutes les actions dépassant le cadre imposé par son organisation. Il a de plus déclaré que beaucoup de revendications des agriculteurs concernent des « sujets européens » qui ne se « règlent pas en trois jours ». Il cherche par cette déclaration à canaliser la colère des paysans non pas contre le gouvernement et les grandes entreprises de l’agro-alimentaire, mais contre l’Union européenne, ennemie bien plus floue et bien plus inatteignable, proposant de la sorte une porte de sortie évidente au gouvernement.

Dès lors, ce récit mensonger implique que Paris ne soit plus une cible centrale et que le parlement européen devienne le terrain de lutte privilégié. Un discours rêvé à l’approche des élections européennes, pour LREM et par dessus tout pour le RN, qui cherche a faire de cette contestation la rampe de lancement de sa campagne, en présentant Jordan Bardella comme « le porte voix des campagnes ». Ce récit implique aussi et surtout pour le gouvernement de réprimer brutalement tous ceux qui continuent de cibler prioritairement les administrations et les capitalistes français, et de les stigmatiser au maximum au profit de ceux qui, bien encadrés par la FNSEA, accepteront de porter exclusivement leur mécontentement contre l’Union européenne.

Vers le début d’une répression généralisée du mouvement ?

C’est dans cet objectif que la répression commence à se durcir, pour l’instant exclusivement autour de points stratégiques tels que le marché de Rungis. Quinze personnes, dont il n’a pour l’heure pas été précisé s’il s’agit d’agriculteurs, ont ainsi été interpellées ce matin pour « entrave à la circulation » au niveau de Rungis. Ce premier coup de filet est évidemment la preuve du caractère stratégique de ce site, puisque le gouvernement a jusque là accepté de laisser près de 800 tracteurs entraver la circulation de 10 autoroutes menant à Paris, mais n’a pas toléré qu’une quinzaine le fasse aux abords de Rungis. Il est surtout l’illustration de la fébrilité grandissante du gouvernement, confronté à une crise dont il est bien en peine de s’extirper et dont la nouvelle salve de mesures annoncées par Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale, semblent loin de contenter le secteur agricole, durement impacté par la politique de précarisation que continuera à mener le nouveau Premier ministre.

Pour autant, il n’est pas à exclure que le gouvernement durcisse dans les jours qui viennent la répression à l’encontre des autres points de blocage qu’il tolère pour l’instant, notamment si la FNSEA parvenait à conserver la direction symbolique du mouvement tout en ordonnant la levée des blocages, ou si ces derniers venaient à menacer trop durement les profits des capitalistes.


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