Ce soir, j’ai la rage. La vraie, la froide, celle qui te broie les tripes. On nous dit de rester confinés, mais quand on n’a pas de « chez soi » ? Que faire ? AU 115, à Lyon, nous n’avons rien. Que dalle, nada, zéro. A part le désarroi partagé et un peu d’écoute. Les rares places que nous pouvions distribuer pour une nuit à l’abri sont maintenant fermées à cause du virus. Les foyers ont été mis en quarantaine.

Heureusement les SAMU Sociaux tournent encore, distribuant café et couverture pour essayer de supporter la nuit. Les personnes qui vivent à la rue sont évidemment terriblement vulnérables niveau santé et n’ont absolument aucun accès à l’hygiène. Alors bien sûr, la trêve hivernale est prolongée de 2 mois, les foyers ayant ouvert seulement pour l’hiver nous ne remettrons les familles à la rue qu’en mai.

Mais bien évidemment, tout le monde n’a pas eu de place cet hiver. Il y a encore énormément de familles, d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’ont aucun toit et qui dorment dehors sans aucunes solutions...

Mais pour ces personnes, rien n’est fait... Pire, rien n’est pensé ... Comme si elles n’avaient aucune valeur, comme si ce n’était plus des personnes. Cerise sur le gâteau de l’absurde et du cruel, plusieurs personnes SDF aujourd’hui m’ont appelé pour se plaindre d’avoir pris une amende de 38€ car elles ne respectent pas le confinement ... Alors ce soir ils hurlent, insultent, pleurent, supplient. Mais à part ici, ou auprès des maraudes, qui les entends ?

Alors ce soir je suis là. Ce soir, j’ai la rage. Ce soir, je suis fatiguée.