×

Mobilisation contre l'A69

« Le Tarn n’est pas Sainte-Soline » : Darmanin oppose « bons » et « mauvais » écolos

Face au souvenir des violences policières terribles de Sainte-Soline, les organisateurs de la mobilisation contre l’A69 ont tenté de construire un « dialogue constructif » avec le préfet. Un « dialogue » immédiatement instrumentalisé par Darmanin pour légitimer la répression dans les Deux Sèvres.

Seb Nanzhel

21 avril 2023

Facebook Twitter

Ces 22 et 23 avril se tiendra dans le Tarn un week-end de mobilisation contre l’A69 à l’appel des Soulèvements de la Terre, du collectif La Voie est Libre, d’Extinction Rébellion et de la Confédération Paysanne. Dans une situation où Macron tente de « tourner la page » du mouvement des retraites et réprime brutalement toute expression de colère à son égard, ce rassemblement est confronté depuis plusieurs semaines à de multiples menaces de Darmanin et des différents représentants de l’institution policière.

Le 5 avril déjà, Darmanin déclarait devant l’Assemblée Nationale que la lutte contre l’A69 est « le prochain objectif de l’ultragauche », avec « des volontés de manifestations extrêmement violentes contre les forces de l’État ». De la même manière, les Renseignements Territoriaux font monter la pression en évoquant un rassemblement « à haut risque » dans une note fournie à la presse le 17 avril, agitant le risque de « sabotages » et la présence « d’éléments radicaux ». Le préfet du Tarn a quant à lui assuré qu’il serait « attentif à ce qu’il n’y ait pas d’implantation de ZAD ».

Un argumentaire qui vise à préparer et justifier la répression de l’évènement, alors qu’un impressionnant dispositif policier et une batterie d’interdictions et de restrictions ont déjà été annoncées. Ce discours a d’ailleurs un goût de déjà-vu, et les éléments de langage diffusés dans la presse qui préviennent - ou plutôt menacent - d’un « Sainte-Soline bis » le rappellent durement.

Avant la répression de Sainte-Soline, Darmanin avait entre autre préparé le terrain sur CNEWS, expliquant à la veille de la mobilisation que « les Français vont voir de nouvelles images extrêmement violentes, (…) nous verrons des images extrêmement dures », justifiant là aussi la répression à venir par la présence de militants d’ultra gauche qui noyauteraient la mobilisation.

Un discours qui atteste du caractère réfléchi des violences d’État à l’encontre de la mobilisation, et de l’imaginaire que construit le gouvernement pour mieux les justifier, que les Soulèvements de la Terre relevaient à raison suite à la mobilisation de Sainte-Soline : « Il faut aussi dire qu’en amont de la mobilisation, la préfecture, le gouvernement et même Emmanuel Macron ont multiplié les éléments de langage visant à criminaliser le mouvement antibassines et ainsi justifier les violences dont les manifestant-e-s ont fait l’objet aujourd’hui. »

En outre, la répression de Sainte-Soline était une sanglante démonstration de force de l’État, pensée de bout en bout avec l’objectif de discipliner et menacer l’intégralité du mouvement social, alors que les mobilisations contre la réforme des retraites traversaient une nouvelle phase de radicalité.. C’est d’ailleurs le même argumentaire d’un noyau de militants violents d’ultra gauche qui a été déployé pour justifier la répression du mouvement des retraites - face au mouvement le plus massif depuis des décennies, il fallait oser.

Pour répondre aux menaces contre la mobilisation tarnaise, les organisateurs ont choisi la ligne de « l’apaisement » avec le préfet. Dans un communiqué publié ce vendredi, ils expliquent que « des échanges constructifs ont eu lieu avec le Préfet du Tarn afin de permettre le bon déroulement de ce rassemblement et de la manifestation. Nous voulons croire en la volonté d’apaisement exprimée par le préfet pour que la manifestation sur le tracé accepté se déroule au mieux. Il ne doit pas céder à la tentation d’instrumentaliser les dispositifs de maintien de l’ordre comme l’a fait Gérald Darmanin à Sainte-Soline […] ». Dans le même sens, le collectif La Voie est Libre a répondu aux menaces du préfet et affirmé ne pas vouloir installer de ZAD, dénonçant une tentative de stigmatisation.

Des déclarations qui témoignent sans doute de la peur de revivre un épisode sanglant comme à Sainte-Soline, mais qui ont été immédiatement instrumentalisées par le préfet et Darmanin. Ce vendredi, celui-ci a d’ailleurs adouci son discours, arguant sur France Info que « Le Tarn n’est pas Sainte-Soline », « parce que nous n’avons pas d’information qui nous démontrent que les gens auraient une envie absolue de violence, ce qui était évidemment le cas à Sainte-Soline comme tout le monde l’a constaté, et les responsables ont pris la tâche du préfet pour organiser les choses ».

Ainsi, le gouvernement prend d’une main la volonté « d’apaisement » des organisateurs pour mieux justifier la répression brutale de Sainte-Soline de l’autre. Il démontre par la même occasion qu’aucun « échange constructif » pour le mouvement social ne peut être réalisé avec les préfets et autres représentants des forces de répression, et que justifier de recourir ou non à telle ou telle tactique devant ces derniers leur sert, a posteriori, à établir ce qui est légitime ou non pour exprimer sa colère.

D’autant que face à la répression, les gages de respectabilité sont somme toutes limités : en témoigne les images du gazage des cortèges familiaux de Sainte-Soline, comme la suite des déclarations de Darmanin auprès de France Info vendredi, qui tient à se garder « une centaine d’individus radicaux » sous la main, afin de justifier une potentielle répression de la mobilisation de samedi.

Contre Darmanin et sa tentative de diviser les « bons » écolos des « mauvais », le week-end de mobilisation contre l’A69 sera l’occasion de réaffirmer notre solidarité avec Serge et toutes les victimes des violences policières, tout en s’inscrivant dans la colère généralisée contre Macron et l’ensemble des projets nauséabonds qu’il cherche à imposer. Ni à 64, ni A69 : même gouvernement, même combat !

Pour soutenir RP, faites un don !

Facebook Twitter
Défaire le mythe de la transition énergétique

Défaire le mythe de la transition énergétique

Acheter les actions de Total pour sauver la planète ? La nouvelle trouvaille d'EELV pour les européennes

Acheter les actions de Total pour sauver la planète ? La nouvelle trouvaille d’EELV pour les européennes

InVivo, derrière la coopérative « verte », un géant de l'agrobusiness anti-syndicats et anti-écolo

InVivo, derrière la coopérative « verte », un géant de l’agrobusiness anti-syndicats et anti-écolo

Européennes : EELV veut intégrer une macroniste pro-service militaire sur sa liste

Européennes : EELV veut intégrer une macroniste pro-service militaire sur sa liste

Action contre Lafarge : l'Etat mobilise à nouveau l'anti-terrorisme pour réprimer le mouvement écolo

Action contre Lafarge : l’Etat mobilise à nouveau l’anti-terrorisme pour réprimer le mouvement écolo

Catastrophe capitaliste. 57 entreprises responsables de 80 % du CO2 émis depuis les accords de Paris

Catastrophe capitaliste. 57 entreprises responsables de 80 % du CO2 émis depuis les accords de Paris

« De l'eau, pas des puces » : à Grenoble, la lutte écologique s'attaque aux industries de la micro-électronique

« De l’eau, pas des puces » : à Grenoble, la lutte écologique s’attaque aux industries de la micro-électronique

Vote de la loi contre les polluants éternels : une « victoire historique », vraiment ?

Vote de la loi contre les polluants éternels : une « victoire historique », vraiment ?