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Analyse

« Offensive du printemps » : où va la guerre en Ukraine ?

Annoncé depuis quelques temps, « l’offensive de printemps » de l’armée ukrainienne devrait débuter au mois de mai. Une opération marquée par des contradictions dans un conflit qui a pris la forme d’une guerre d’usure.

Matías Maiello

12 mai 2023

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« Offensive du printemps » : où va la guerre en Ukraine ?

Dans toutes les guerres, les informations provenant du champ de bataille font partie du conflit. La guerre en Ukraine ne fait pas exception à cette règle. Tous les jours, différentes informations se succèdent, apparaissent et disparaissent. La dernière polémique en date concernait les drones qui ont explosé au-dessus de la résidence présidentielle de Poutine, ce dernier accusant Kiev et Washington d’avoir voulu mener une attaque. Mais quelle est la situation globale de la guerre en Ukraine aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, la première chose à faire est de se situer dans les coordonnées de l’étape actuelle de la situation internationale. La guerre reste la continuation de la politique par d’autres moyens. Loin du mythe de la mondialisation pacifique, le système capitaliste impérialiste reste une véritable arme de destruction massive.

Il ne s’agit pas seulement de l’Ukraine. Dans le même temps, les tensions sino-américaines augmentent à l’Est. Nous n’ignorons pas qu’il y a eu des guerres au cours des dernières décennies, comme dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, et bien d’autres. Dans un article précédent, nous avons analysé avec Emilio Albamonte que la principale nouveauté de la guerre en Ukraine d’un point de vue militaire était l’irruption d’une guerre interétatique avec l’implication de puissances des deux côtés, bien que les États-Unis et l’OTAN agissent encore actuellement par procuration en soutenant l’Ukraine sans qu’il n’y ait de soldats directement présents dans les affrontements sur le terrain. Cette guerre ne correspond plus aux modèles de la dernière période. Elle marque le retour des affrontements militaires « réguliers », le retour de la guerre comme « bataille sur un terrain entre des hommes et des machines » qui peut affecter de manière décisive l’ordre international [1].

Des opérations en profondeur sur le territoire ukrainien à la guerre d’usure

Jusqu’à présent, nous pouvons distinguer trois étapes dans la guerre :

1) Tout d’abord, au début de l’invasion, l’armée russe a développé une sorte de blitzkrieg (guerre éclair), une opération en profondeur, qui incluait l’avancée massive des chars vers Kiev. Avec le temps, il est devenu plus clair que l’intention de Poutine à l’époque n’avait jamais été d’occuper la ville. Sur la base de rapports de renseignement dont les responsables ont été sanctionnés par la suite, on peut dire que l’opération était construite sur l’hypothèse de l’effondrement du gouvernement de Zelensky. Cet effondrement n’a pas eu lieu. Il est possible que le haut commandement russe ait sous-estimé l’implication de l’Occident dans le camp adverse et surestimé « l’intérêt commun » de l’Occident à privilégier l’intégration économique mondiale à un affrontement avec la Russie.

2) Une deuxième étape, marquée par le retrait du siège de Kiev, la réorganisation et le déploiement des troupes russes au Sud et à l’Est de l’Ukraine. Dans cette séquence de la guerre, les avancées russes ont permis à ses forces de conquérir le principal port de la mer d’Azov (et le Donbass) et d’établir un corridor terrestre de la péninsule de Crimée vers les territoires du Donbass précédemment sous son contrôle. À un moment donné, il a été envisagé d’étendre ces conquêtes vers l’Ouest, en direction d’Odessa, afin de relier le corridor aux territoires détenus par la Russie en Transnistrie, mais cela ne s’est pas concrétisé.

3) Une troisième étape - ou une partie de la deuxième, selon l’interprétation qu’on lui donne - a été marquée par la déclaration d’annexion des régions de Lougansk, Donetsk, Zaporija et Kherson. Elle a été suivie d’une contre-offensive ukrainienne dans l’oblast de Kherson, qui a obligé les troupes russes à se replier de l’autre côté du Dniepr, sur le front Sud. Elles se sont également repliées dans l’oblast de Kharkov sur le front oriental. Une lutte pour la consolidation des positions à l’Est s’est développée grâce à l’utilisation massive de l’artillerie des deux côtés, avec une prééminence significative de la Russie notamment avec la société militaire privée Wagner qui a joué un rôle de premier plan dans les zones les plus chaudes. Cette étape se poursuit encore.

Une sorte de « guerre d’usure » a pris forme. Une ligne de front s’étend sur plus de 800 kilomètres. Les deux camps ont déployé leur infanterie et leur artillerie le long de cette large ligne de front. De vastes systèmes défensifs de tranchées et de fossés antichars ont été mis en place. Les guerres d’usure, bien qu’elles ne recoupent pas nécessairement l’idée de « guerre de position », se caractérisent, dans leurs formes modernes, par des retranchements, des bombardements, des charges sur les positions ennemies et un coût élevé en vies humaines ainsi qu’en matériel et en artillerie. Une opération offensive réussie est une opération qui repousse le défenseur le long de la ligne de front. Le scénario du « coup de grâce » est peu envisagé ; les combats se déroulent au corps à corps.

Disposition des forces, février 2023, Center for Strategic & International Studies.

La particularité de ce type de guerre est que les belligérants tentent de s’épuiser mutuellement par la destruction progressive du matériel de guerre et des troupes. Cette étape de la guerre a été symbolisée par la bataille pour Bakhmut, une petite ville de la région de Donetsk. Pendant des mois, les forces russes l’ont saturée de bombardements. Les combats se déroulent d’un pâté de maisons à l’autre, voir maison par maison. Des milliers de soldats ont été tués de part et d’autre, mais à ce jour, aucune des deux forces n’a pris le contrôle total de la ville. Selon certaines sources, les troupes russes - dirigées par les mercenaires du groupe Wagner - contrôlent environ 70 à 80 % de la ville. En ce qui concerne la guerre dans son ensemble, aucune des deux parties n’a gagné beaucoup de territoire depuis la fin de l’année 2022.

Dans son ouvrage intitulé Conventional Deterrence, John Mearsheimer brosse un tableau assez illustratif de ce qu’impliquent les stratégies d’usure :

« Une offensive réussie, tel un bulldozer, repousse littéralement le défenseur dans un front large. La fuite et la retraite alternent, finissant par épuiser la défense. L’accent n’est pas mis sur la réalisation de l’équivalent d’un coup d’assommoir sur le champ de bataille. Au lieu de cela, la victoire suit une série de batailles rangées et n’est pas censée être rapide. Le processus est long et, en fin de compte, le succès arrive lorsque le défenseur ne peut plus se battre. Bien entendu, on suppose que le défenseur s’affaiblira devant l’attaquant. Comme il n’y a pas de raccourci vers la victoire, l’attaquant n’hésite pas à s’attaquer aux points forts du défenseur. La force est confrontée à la force » [2].

Des interrogations sur « l’offensive du printemps » annoncée par l’Ukraine

Selon les dernières informations, l’« offensive de printemps » annoncée depuis un certain temps, devrait débuter au mois de mai. Ces dernières semaines, le front sud-ouest a de nouveau pris de l’importance dans certains médias. Des unités des forces spéciales ukrainiennes ont mené un certain nombre d’attaques ciblées, débarquant et cherchant à rester sur la rive orientale du Dniepr en direction de la ville de Kherson, sous contrôle russe. On pense que ces actions visent à ouvrir un nouveau flanc ou du moins à en suggérer un dans l’espoir de soulager les autres fronts. De l’autre côté, l’avantage d’avancer sur Kherson, si cela devait se produire, serait que la ville se trouve à portée d’artillerie de la Crimée, qui pourrait être une cible.

Le front centre-sud de Zaporiya apparaît comme l’une des alternatives de combat les plus viables pour l’« offensive de printemps », puisque le déploiement des troupes à cet endroit ne nécessite pas la traversée du Dniepr. L’alternative consistant à concentrer la nouvelle offensive annoncée en direction de la ville de Melitopol - au sud de Zaporiya et sur le chemin de la mer d’Azov - contrôlée par les forces russes, est largement envisagée. Dans cette zone, selon le Institute for the Study of War, il y a déjà des poches de guérilla ukrainienne. La deuxième cible serait Berdyansk, située au sud-est sur la côte de la mer d’Azov. Ces plans viseraient à couper le large corridor sud des forces russes - rendant leurs positions à l’Ouest de Melitopol intenables - et à ouvrir un débouché sur la mer d’Azov pour l’Ukraine. Il ne s’agit pour l’instant que de spéculations.

Carte de la guerre actualisée le 5 mai. Institute for the Study of War.

Sur les deux fronts mentionnés ci-dessus, les forces russes ont érigé trois lignes de défense composées de tranchées, de fossés, de clôtures métalliques et d’obstacles antichars de plus de 100 km chacune, séparées par 15 km. Dans cette situation, les chars britanniques Challenger 2 et allemands Leopard 2 envoyés en Ukraine pourraient être utiles, mais les livraisons prévues ne représenteraient pas un nombre significatif et nécessiteraient un soutien continu pour leur utilisation, y compris des pièces de rechange, des munitions et une formation pour les utiliser. Dans le cas des chars américains M1 Abrams, il semble peu probable qu’ils arrivent à temps. Les forces ukrainiennes disposent de systèmes de roquettes d’artillerie à haute mobilité (HIMARS). À cela s’ajoute le problème de la couverture aérienne que nécessiterait une telle attaque et qui, pour l’instant, au-delà des spéculations, n’est pas connue. En tout état de cause, les conditions dans lesquelles se déroulerait l’« offensive de printemps » restent floues.

L’usure des forces

Pour se faire une idée complète des perspectives, il est nécessaire d’évaluer le résultat de la guerre d’usure menée jusqu’à présent. En ce qui concerne les forces russes, leur usure a été importante, tant en termes de pertes estimées à un niveau élevé - les chiffres ukrainiens étant encore mieux gardés - qu’en termes d’équipements et de problèmes logistiques. Leurs forces n’ont pas réalisé de gains significatifs depuis l’été dernier en Europe. Pour atteindre l’objectif de conquête totale des quatre régions formellement annexées (Lugansk, Donetsk, Zaporiyia et Kherson), l’armée aurait besoin d’augmenter les effectifs sur le terrain, d’où un renforcement coercitif du recrutement. La « mobilisation partielle » décrétée par Poutine en septembre dernier a été menée avec prudence, notamment dans les grandes villes, afin d’éviter toute déstabilisation sur le front intérieur. A cet égard, l’étendue de la capacité opérationnelle réelle de l’armée russe face à un scénario d’escalade des combats reste inconnue.

Lors de la dernière étape, les combats les plus sanglants à Bakhmut ont été en grande partie, comme nous l’avons dit, menés par le groupe Wagner. Il s’agit d’une force mercenaire privée, qui recrute notamment dans les prisons russes, commandée par Yevgeniy Prigovin, un oligarque ayant des liens directs avec Poutine. Avec ses apparitions publiques sur le champ de bataille qui contrastent fortement avec le reste du commandement militaire, Prigozhin est devenu une figure populaire parmi les partisans de l’invasion de la Russie. Il s’est publiquement opposé au ministre de la défense, Sergei Shoigu, et au chef d’état-major général, Valery Gerasimov, au sujet de demandes d’armement pour son groupe. Il y a quelques jours, il a menacé de retirer ses troupes de Bakhmout le 10 mai s’il ne recevait pas de munitions et a tenu le haut commandement pour responsable de la mort de ses troupes. Il s’agit d’une affaire interne qui, au-delà de la mise en scène, montre les incohérences mêmes des forces russes et les effets de la combinaison de forces mercenaires avec l’armée régulière. D’autre part, le fond du problème pourrait résider dans des problèmes de production ou de logistique.

De l’autre côté des tranchées, l’importante fuite de documents des services de renseignement américains impliquant Jack Teixeira, jeune membre de la Garde nationale aérienne du Massachusetts, en mars dernier, continue de faire des vagues. La plupart des informations contenues dans ces documents, qualifiés de « top secret », traitent de sujets qui sont, d’une manière ou d’une autre, connus. Ce qui est significatif, c’est leur découverte dans des sources américaines. On y trouve une vision pessimiste des perspectives de l’« offensive de printemps ». Elle met en garde contre la solidité des défenses russes retranchées qui, associée aux « déficiences persistantes des ukrainiens en matière d’entraînement et d’approvisionnement en munitions, sont susceptibles d’entraver les progrès et d’exacerber les pertes au cours de l’offensive ». Dans le même temps, la probabilité que l’opération n’aboutisse qu’à des « gains territoriaux modestes » est mentionnée. Aujourd’hui encore, les responsables américains continuent de relativiser ces considérations. Mercredi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lui-même affirmé que ces évaluations « reflétaient un moment particulier » qui n’était pas « statique » et qu’il voyait de plus grandes possibilités pour une prochaine offensive.

Le Washington Post, pour sa part, a confirmé le tableau dépeint par ces documents à travers diverses déclarations de commandants ukrainiens, qui ont mis en garde sur la pénurie de troupes qualifiées et l’impossibilité de combattre avec les troupes disponibles qui manquaient d’expérience militaire et fuyaient spontanément face à l’artillerie russe écrasante. Selon les mêmes rapports, les troupes ayant une certaine expérience ont été soit tuées, soit mises hors d’état de nuire. Ceci serait cohérent avec les sources occidentales qui, en l’absence de chiffres officiels, évaluent le nombre de victimes à 120 000 morts et blessés. À titre de comparaison, certains analystes estiment les effectifs réels de l’Ukraine au début du conflit à environ 130 000 hommes [3]. Dans le même temps, des déclarations de responsables américains ont souligné que la situation sur le champ de bataille aujourd’hui pourrait ne pas refléter une image complète des forces, parce que Kiev entraîne séparément les troupes pour la contre-offensive à venir, les empêchant délibérément de participer aux combats actuels. En tout état de cause, cette dernière ne suffirait pas à inverser la situation générale.

Si la guerre d’usure a été très coûteuse pour les deux parties, en raison de l’asymétrie entre la Russie et l’Ukraine, pour cette dernière, le poids relatif des pertes serait beaucoup plus important. Cette comparaison est essentielle, car bien que les forces ukrainiennes bénéficient d’une aide militaire occidentale importante, de la part de l’impérialisme américain et l’OTAN, il s’agit d’une guerre par procuration, ce qui signifie, entre autres, qu’ils n’envoient pas leurs propres troupes sur le terrain. Les soldats, ainsi que les morts et les blessés, appartiennent donc aux forces ukrainiennes. Même si, selon diverses estimations, le nombre total de victimes russes serait plus élevé, en termes proportionnels, leurs pertes seraient d’une importance plus décisive pour l’Ukraine.

Des pressions en faveur d’une plus grande implication directe des États-Unis

Le fait est que dans une guerre d’usure comme celle-ci, comme l’a souligné Mearsheimer, « la force se compare à la force ». En d’autres termes, la victoire, si elle est atteinte, est du côté de celui qui est capable de remplacer le plus facilement l’équipement militaire, y compris de grandes quantités d’artillerie et de véhicules blindés, et d’augmenter le recrutement pour absorber la forte proportion de morts et de blessés que de tels combats impliquent. Même dans les cas où la stratégie d’usure est finalement couronnée de succès, elle a un coût énorme. Pour gagner une guerre d’usure, il faut être prêt à encaisser des pertes considérables en vies humaines et en matériel.

Sans le maintien d’un niveau élevé de soutien de la part de l’OTAN, mais surtout des États-Unis, les forces ukrainiennes s’effondreraient plus ou moins immédiatement. La question qui se pose à ce stade est de savoir quelle est la limite de la stratégie consistant à utiliser les forces ukrainiennes pour mener une guerre d’usure par procuration contre une puissance comme la Russie. Ou, pour le dire autrement, quelle est la limite de l’intervention indirecte de l’impérialisme américain dans la poursuite d’une guerre qui dépend, au-delà de toute assistance militaire, de l’effort de guerre exclusif des forces ukrainiennes épuisées sur le terrain.

D’autre part, l’Ukraine est entièrement dépendante de l’aide occidentale, même pour l’essentiel, ce qui devrait inclure, selon l’analyse du groupe de réflexion militaire CSIS : 1) la nécessité d’un flux continu d’armes et de munitions. Par exemple, l’Ukraine tire environ 90 000 obus d’artillerie par mois, ce qui équivaut à la totalité de la production annuelle des États-Unis en 2021. 2) Les besoins de remplacement des équipements perdus, étant donné que - selon des sources non classifiées - l’Ukraine avait perdu en février 457 des 858 chars avec lesquels elle avait commencé la guerre, 478 des 1 184 véhicules de combat d’infanterie et 247 des 1 800 pièces d’artillerie. 3) Les besoins en équipement et en formation des forces ukrainiennes qui, comme nous l’avons dit, ne sont plus les mêmes qu’au début de la guerre. On parle ici de la formation au combat à proprement parler mais aussi plus généralement d’une formation militaire complète.

Compte tenu de la capacité - productive et militaire - nettement supérieure de la Russie par rapport à l’Ukraine, les forces de cette dernière tendent à devenir de plus en plus dépendantes de l’aide extérieure pour pouvoir mener une telle guerre d’usure. À ce stade, deux grandes alternatives sont possibles. L’impérialisme américain peut soit continuer à approfondir son intervention et parier sur une faiblesse accrue de la Russie, soit s’atteler à préparer pour l’année prochaine une sorte de scénario qui réduira l’intensité des combats. Une décision stratégique qui ne sera sûrement pas définie à court terme et qui, peut-être, dépendra dans une certaine mesure des résultats de l’offensive de printemps lorsqu’elle aura lieu. Mais la discussion est sur la table.

Au début de l’année 2023, le think tank militaire Rand Corporation a analysé les alternatives pour l’impérialisme américain si son objectif est d’éviter une longue guerre. Le point de départ est l’improbabilité d’une victoire ukrainienne. L’analyse se concentre sur l’évaluation des coûts et des bénéfices d’une prolongation de la guerre. Parmi ces derniers, elle souligne avant tout l’affaiblissement de la Russie et la réduction de la dépendance des alliés des États-Unis à son égard. Parmi les coûts, on peut citer le risque accru d’une escalade impliquant directement les membres de l’OTAN, le besoin de l’Ukraine d’un soutien économique et militaire plus important, la capacité réduite des États-Unis à se concentrer sur d’autres priorités (comme la Chine) et la dépendance accrue de la Russie à l’égard de la Chine.

L’étude conclut que les États-Unis devraient prendre des mesures pour parvenir à une sorte d’armistice à moyen terme, dans lequel aucune des parties ne renoncerait à ses revendications, mais qui permettrait en quelque sorte de « geler le conflit ». À cette fin, elle propose de planifier et de conditionner le soutien à l’Ukraine et de mettre en place un programme de « sécurité » pour l’Ukraine, articulé avec ses alliés, qui exclut l’adhésion à l’OTAN, ainsi que l’assouplissement des sanctions contre la Russie, entre autres. L’idée centrale est de reléguer à l’arrière-plan la question du contrôle territorial, qui n’est pas considérée comme une dimension importante pour les États-Unis, et de concentrer l’attention sur leurs intérêts globaux dans la guerre. Les conclusions de l’étude ne sont toutefois pas très encourageantes quant à la faisabilité d’une telle opération, mais réaffirment la nécessité de s’y atteler.

Ce qui est certain, c’est qu’au fur et à mesure que la guerre s’éternise et que l’usure augmente, l’implication directe de l’impérialisme américain tend à devenir encore plus important. La frontière entre la guerre par procuration et la confrontation ouverte avec la Russie s’amenuise, avec tous les risques d’accidents et d’escalade que cela comporte. Un petit exemple en est l’incident de mars dernier impliquant le drone américain MQ-9 Reapter dans les environs de la Crimée (à 60 kilomètres du port de Sébastopol), qu’un avion de chasse russe, au-delà des détails, a fini par abattre. C’est sur cette ligne ténue que se joue l’avenir de la guerre.

Le scénario devient plus volatile. La guerre d’usure n’a pas encore d’issue en vue. C’est un scénario qui pourrait s’aggraver si l’« offensive de printemps » a lieu et que les combats s’intensifient. Comme nous l’avons dit au début, le bellicisme des grandes puissances bat son plein, l’Ukraine est la phase la plus aiguë d’un processus plus large. C’est pourquoi, contre tout positionnement derrière l’un des « camps » réactionnaires en conflit et les illusions d’une solution de « paix » impérialiste, qu’elle vienne de l’Europe, de la Chine ou de toute autre puissance, la question est de former un pôle contre la guerre en Ukraine qui soulève l’unité internationale de la classe ouvrière avec une politique indépendante, pour le retrait des troupes russes, contre l’OTAN, contre l’armement impérialiste et pour une Ukraine ouvrière et socialiste.

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[1Smith, Rupert, The Utility of Force, New York, Alfred Knopf, 2007

[2Mearsheimer, John J., Conventional Deterrence, Ithaca/London, Cornell University Press,1985, p. 34}

[3Grant, Glen, “Seven Years of Deadlock : Why Ukraine’s Military Reforms Have Gone Nowhere, and How the US Should Respond”, The Jamestown Foundation, juillet 2021



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Matías Maiello

Sociologue et professeur à l’université de Buenos Aires (UBA). Membre de la rédaction internationale du Réseau International de quotidien auquel appartient Révolution Permanente.

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