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Dialogue social ou lutte des classes ?

Rencontre avec Borne : une mascarade qui sert la macronie et détourne de l’enjeu de généraliser la grève

Ce n’était une surprise pour personne : l’intersyndicale s’est vue opposer un refus catégorique d’Elisabeth Borne sur le retrait de la réforme. A quoi bon un tel cirque ? En y participant, l’intersyndicale ne fait que semer des illusions et se détourne de l’enjeu de la généralisation de la grève.

Joël Malo

5 avril 2023

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A quoi pouvait bien servir une réunion avec Elisabeth Borne en plein mouvement de grève contre les retraites et l’autoritarisme du gouvernement ? A peu près à rien, comme on pouvait s’y attendre et bien que les représentants de l’intersyndicale aient fait mine de le découvrir à la sortie de la réunion.

Une réunion inutile, sauf pour Elisabeth Borne ?

Ainsi, l’intersyndicale évoque un « échec », tandis que la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a jugé cette réunion « inutile ». Pour les travailleurs assurément, pour le gouvernement pas si sûr. Elisabeth Borne a en effet pu se féliciter de la reprise du dialogue, alors que le gouvernement fait des pieds et des mains pour sortir de son isolement et afficher sa volonté de concertations : hier avec le PS et EELV, ce matin avec l’intersyndicale, cet après-midi avec le patronat.

Si Sophie Binet décrit cette réunion et le refus de Borne de retirer sa réforme comme une « gifle » au visage des travailleurs mobilisés, l’ensemble de l’intersyndicale multiplie les signes de respectabilité envers le gouvernement. « Nous sommes des gens polis » a ainsi lancé Frédéric Souillot, secrétaire général de Force Ouvrière, pour justifier de la participation à cette mascarade. « Je ne regrette pas, ça permet de montrer que l’intersyndicale est responsable » a témoigné quant à elle Sophie Binet.

Après avoir tout misé sur les députés, puis sur les sénateurs, mendié une suspension et une médiation au gouvernement, l’intersyndicale, à travers Laurent Berger, en appelle désormais « à la sagesse du conseil constitutionnel » pour faire reculer la réforme. Face à un mouvement qui se poursuit et à une pression importante de la base, Laurent Berger a en revanche dû abandonner son idée fumeuse de médiation : « puisqu’on nous a dit non [sur la médiation], on passe à l’autre option qui est le retrait » a-t-il ainsi déclaré dans la cour de Matignon, confirmant pour tous ceux qui en doutaient que cette proposition était bien une manière d’abandonner la revendication du retrait…

L’intersyndicale alimente les illusions sur Borne et le Conseil constitutionnel

Si l’intersyndicale fait des pirouettes, elle maintient sa stratégie de journée isolées de pression. Or, malgré une dizaine de journées de mobilisation massive appelée par l’intersyndicale, cette stratégie de grève perlée n’a aucunement permis d’obtenir le retrait de la réforme. Sa poursuite malgré ce bilan témoigne du refus des confédérations de durcir la grève, préférant renouer le « dialogue » pour trouver une « porte de sortie ». 
Alors que la détermination et la radicalité ont fait un saut depuis le 49.3, l’intersyndicale continue en effet d’inscrire son action dans le cadre du régime et l’espoir qu’il serait possible de convaincre ses institutions les plus réactionnaires, ou de dialoguer avec un gouvernement qui veut écraser nos mobilisations. Désormais, c’est sur la « sagesse » du Conseil constitutionnel que semblent compter les dirigeants syndicaux, avec pour horizon la journée du 14 avril où celui-ci rendra sa décision.

Une telle politique ne peut que détourner du seul enjeu central depuis le départ : la question de la grève et de sa généralisation. Or, malgré d’importantes contradictions sur le terrain des grèves reconductible, la situation reste ouverte avec une crise « par en haut » qui se maintient, expliquant la propension du gouvernement à tenter de renouer avec le « dialogue social », et des grèves qui continuent d’éclore liant salaires et retraites comme au SIVOM de Varennes-Jarcy ou du côté des travailleurs de SAMSIC à l’aéroport de Roissy.

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Une autre stratégie est possible !

C’est cette tâche qui devait être la priorité de l’intersyndicale, en appelant à l’élargir la grève mais aussi en soutenant les grèves reconductibles en cours, par une lutte claire contre les réquisitions et la répression. Alors que les raffineurs de Normandie ont été à nouveau réquisitionnés lundi, la police débloquait le piquet à la raffinerie de Feyzin quelques heures avant le rendez-vous de l’intersyndicale, sans que celle-ci n’en dise un mot.

En acceptant de discuter avec le gouvernement, même pour demander poliment le retrait de la réforme, les directions syndicales se situent sur un tout autre terrain, favorable au gouvernement qui veut à tout prix éviter de montrer sa faiblesse et son isolement. Il faut dénoncer cette mascarade qui, en plus d’être « inutile », sème des illusions sur la perspective d’un compromis avec Macron ou Borne, dont Sophie Binet expliquait à l’issue du rendez-vous qu’elle regrettait qu’elle ne soit qu’une « exécutante du président de la République. »

Alors que la journée de demain s’annonce encore massive, montrant que la détermination de la base se maintient, l’urgence est à imposer un changement radical de stratégie. Si l’intersyndicale s’y refuse, c’est la base qui devra prendre ses affaires en mains, en exigeant un plan de bataille et en organisant dès maintenant la coordination des secteurs à la base. C’est ce qu’expriment de nombreux syndicalistes et intellectuels dans une tribune impulsée par le Réseau pour la grève générale, et publiée par Politis ce mardi : « L’heure n’est pas au compromis, mais à rompre avec ce qui n’a pas marché jusqu’ici et à mettre en place une stratégie pour gagner. (…) Il nous faut maintenir la lutte, la grève, les manifestations, les actions et les blocages, en renforçant sur le terrain les comités d’actions et AG Interpro et en les coordonnant au service de cette perspective ».


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