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Loi immigration

Loi immigration au Sénat : ni amendable, ni négociable, le mouvement ouvrier doit lutter pour le retrait !

Après deux ans, le projet de loi immigration arrive au Sénat pour être examiné dans une version encore plus dure et xénophobe qu’il y a quelques mois. Un projet ni amendable ni négociable contre lequel il faut préparer une riposte, face à un gouvernement affaibli.

Raji Samuthiram

6 novembre 2023

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Loi immigration au Sénat : ni amendable, ni négociable, le mouvement ouvrier doit lutter pour le retrait !

Crédit photo : Sénat

Ce lundi, le projet de loi immigration de l’exécutif a finalement atterri au Sénat pour son examen jusqu’au 14 novembre, quand le texte devra être voté. Après deux ans de rebondissements, cette loi est devenue l’un des projets phares du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui l’a considérablement durcie par rapport à sa version initiale, dans le but d’accroître l’exploitation et de rendre encore plus difficile la vie des personnes immigrées et sans-papiers. Le résultat d’une surenchère raciste constante entre la droite, l’extrême-droite et la majorité qui cherche à draguer « l’opposition » pour faire passer sa loi.

Un projet réactionnaire en gestation depuis des mois

Le projet, d’abord évoqué par Emmanuel Macron en janvier 2022 et présenté par Darmanin en Conseil des ministres en février dernier, a connu des évolutions tumultueuses, rythmées par des bisbilles parlementaires et la mobilisation contre la réforme des retraites, quand le projet de loi avait été repoussé suite à la crise politique déclenchée par le 49-3. Aujourd’hui, toujours isolé politiquement, le gouvernement cherche à construire une majorité pour éviter de nouveau le recours à cet article.

Pour ce faire, il a laissé ces dernières semaines la commission des lois du Sénat refaçonner le volet répressif de la loi, qui prévoyait déjà de faciliter les expulsions et la traque des sans-papiers, notamment en renforçant la criminalisation et l’application des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et les interdictions de retour sur le territoire français (IRTF). Parmi les nouvelles propositions les plus réactionnaires, la suppression de l’aide médicale d’état, la restriction du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers, le resserrement des critères du regroupement familial…

La version finale très dure, avec laquelle l’exécutif se dit «  d’accord à 90 %  », contient cependant toujours le fameux article 3 sur le « titre de séjour métiers en tension », devenu un point de dispute avec la droite et l’extrême-droite, qui poussent largement pour le retrait de cette mesure. La création de ce titre de séjour, qui régulariserait sous conditions très strictes certains travailleurs sans-papiers dans des secteurs peinant à recruter, représenterait une régression importante pour les travailleurs sans-papiers comme nous l’avions déjà écrit.

En ce sens, les accusations hypocrites de la droite sur l’« appel d’air » qui serait provoqué, et les appels de Darmanin à maintenir une forme « d’équilibre », ne doivent pas masquer la réalité. L’enjeu de la surenchère n’est pas de savoir s’il faut rendre ou non la vie impossible aux travailleurs sans-papiers, mais plutôt de faire une démonstration de force face à Macron en jouant au plus dur sur l’immigration. Même si la droite et l’extrême-droite n’en veulent pas, l’article 3 n’est en rien un cadeau aux immigrés, il est même plutôt l’inverse en subordonnant toujours plus leur droit à être en France aux besoins immédiats (et limités dans le temps) du patronat.

Un constat important, à l’heure où une partie de la gauche institutionnelle s’est faite le relai et le soutien de la mesure, à l’instar des députés NUPES ayant signé avec des parlementaires macronistes une tribune en septembre cautionnant le tri des travailleurs sans-papiers. De même, ce matin encore sur France Inter, Marylise Léon de la CFDT reprenait cette logique en caractérisant la mesure comme «  un minimum qu’il faut pouvoir préserver dans le projet de loi  ». Une logique du moindre mal qui conduit à accepter non seulement une mesure qui n’améliorera pas la situation des travailleurs sans-papiers, mais également à légitimer un projet de loi raciste et xénophobe.

Ni amendable, ni négociable : il faudra batailler pour le retrait de la loi !

De nombreux collectifs et organisations de travailleurs sans-papiers ne sont d’ailleurs pas dupes, et appellent à rejeter la loi dans son entièreté. C’est en ce sens que ce matin, une conférence de presse a eu lieu à l’appel de 35 syndicats, associations et collectifs de sans-papiers. « Pour les gens qui travaillent, il faut leur donner les mêmes droits qu’à tous les travailleurs. En ce sens-là, nous rejetons la logique de ramener les fiches de paie et ensuite de régulariser a précisé Modi Diawara, président du Collectif des Sans-Papiers de Montreuil, après la conférence de presse auprès de Révolution Permanente. Notre combat, c’est le rejet du texte. Nous demandons la régularisation de tous les sans-papiers. » Une manifestation contre la loi a également rassemblé plusieurs centaines de personnes devant le Sénat autour de ces mots d’ordre.

Ce projet de loi réactionnaire est à combattre dans son entièreté, car il vise à dégrader les conditions de vie de tous les sans-papiers comme le rappelait un autre participant à la conférence de presse ce matin. « Nous qualifions cette loi comme une loi raciste, explique ainsi Aboubacar Dembélé du CSP de Vitry. C’est une loi qui vise à nous enfoncer et à nous maintenir dans la précarité et la misère. Que ce soient les travailleurs sans-papiers ou les sans-papiers en général, cette loi-là vise à nous criminaliser. »

Des mots d’ordres importants, alors que la semaine de débats autour de cette loi risque de rouvrir des difficultés pour le gouvernement, minoritaire et dépendant de la droite pour passer son projet. En ce sens, les jours à venir pourraient mettre à nouveau en lumière les faiblesses du gouvernement, en dépit de la volonté de secteurs de LR, à commencer par le président du Sénat Gérard Larcher, de trouver une issue pour passer la loi. Dans ce contexte, il y a urgence à refuser en bloc cette loi, qui s’inscrit dans les multiples attaques xénophobes et sécuritaires du gouvernement ces dernières années.

Ce dernier n’a d’ailleurs pas attendu ce projet de loi pour multiplier les offensives xénophobes et sécuritaires, à l’instar des renforcements policiers aux frontières italiennes et belges, l’annonce du doublement du nombre de places dans les centres de rétention, ou encore l’adoption du pacte européen renforçant la traque des migrants, approuvé par les dirigeants français et qui devrait être voté avant les élections européennes. De même, Darmanin ne rate aucune occasion de renforcer son discours et ses mesures xénophobes, comme à l’occasion du meurtre de Dominique Bernard à Arras et à propos de la situation en Palestine, donnant lieu à de nombreuses expulsions.

Dans ce contexte, et face à l’attaque d’ampleur que représente la loi immigration, le mouvement ouvrier doit réagir en investissant pleinement la lutte contre la politique répressive, austéritaire, et xénophobe du gouvernement. De nombreux secteurs de travailleurs sans-papiers sont entrés récemment en grève pour leur régularisation et leurs conditions de travail, comme les grévistes à Emmaüs, dans l’intérim ou sur les chantiers des Jeux Olympiques en Île-de-France. Le mouvement ouvrier doit accompagner ces luttes avec toute sa force, en défendant un plan de bataille qui porte haut et fort la revendication de la régularisation sans condition de tous les sans-papiers et le retrait des lois racistes, à commencer par la loi Immigration.


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