Jeudi dernier, la syndicaliste étudiante de l’UNEF, Maryam Pougetoux, a subi les attaques islamophobes de députés LREM et LR, alors qu’elle participait à une commission d’enquête parlementaire à l’Assemblée Nationale sur la crise du Covid et la jeunesse. Au nom de la « laïcité », les députés du groupe LR ont quitté la salle, ainsi que la député LREM Anne-Christine Lang arguant que « le port du hijab est incompatible à la fois avec les valeurs concernant les relations entre les hommes et les femmes et avec l’idée [qu’elle se fait] de notre institution, de la laïcité et des valeurs républicaines ».

Vendredi, Ségolène Royal interrogée au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV, a qualifié Maryam Pougetoux de « militante du voile », jugeant sa venue d’acte « provocateur », et a affirmé qu’elle aussi aurait quitté la salle. Une manière pour cette figure du PS rallié à la macronie, accessoirement nommée Ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique, de se positionner du côté du gouvernement et de l’offensive islamophobe qu’il mène ces dernières semaines sur le terrain de l’extrême-droite, incarnée par les sorties de Gérald Darmanin et Marlène Schiappa sur « l’ensauvagement de la société » et le projet de loi « contre les séparatismes » principalement dirigé contre les musulmans ou présumés musulmans.

Quelques heures après, c’était au tour du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, de se prononcer sur la question. Interrogé sur la chaîne Public Sénat par une journaliste qui lui a demandé si « elle n’aurait pas dû se présenter voilée à l’Assemblée Nationale », le dirigeant de la CGT a répondu « on aurait certainement dû discuter avec elle avant sur les conditions de sa venue. (…) Il y a le droit de pratiquer etc, mais (…) la laïcité est essentielle dans notre pays. »

Visiblement peu à l’aise, Philippe Martinez n’a à aucun moment dénoncer la manœuvre de la député LREM, de concert avec la droite, a occulté le sujet initial de la commission d’enquête pour laquelle la syndicaliste étudiante avait été invitée à l’assemblée, à savoir la question de la précarité dans la jeunesse en temps de crise sanitaire, pour revenir à la charge sur les thématiques identitaires et racistes. Pire, il appuie les arguments utilisés par la macronie pour instrumentaliser la laïcité afin de stigmatiser les musulmans et en particulier les musulmanes.

Dans un contexte d’offensive sécuritaire islamophobe, cette position tend en dernière instance à désarmer le mouvement ouvrier face au poison du racisme distillé par le gouvernement et l’extrême-droite, et aux attaques contre les habitants des quartiers populaires qui composent une part importante de notre camp social. C’est ce que n’ont pas manqué de relever les militants de la section CGT TUI France – salariés du groupe TUI menacés de licenciement – ainsi que de la CGT RATP du dépôt de bus Flandre, qui ont dénoncé la position de Philippe Martinez ce samedi.

Ce discours répressif n’épargne d’ailleurs pas le mouvement social lui-même, puisqu’au nom de la lutte contre « les ennemis de la République », le projet de loi « contre les séparatismes » se double d’un nouveau schéma du maintien de l’ordre présenté jeudi par Gérald Darmanin, qui alloue de nouveau moyen pour la répression policière des mobilisations sociales et remet encore un peu plus en cause la présence des journalistes dans les manifestation. En effet, en pleine crise sanitaire et économique le gouvernement se retrouve aujourd’hui face au risque de potentielles explosions sur le terrain de la lutte des classes.

Face à une telle situation, l’offensive en cours attend toujours une véritable réponse. A l’heure où de nombreux responsables politiques et syndicaux – à l’image de Philippe Martinez – se sont adaptés au discours sécuritaire islamophobe promu par le gouvernement, il s’agit au contraire d’agir pour construire la mobilisation la plus large possible face à ces attaques. Dans ce cadre, l’ensemble des organisations anti-racistes, de gauche, d’extrême-gauche mais aussi syndicales devraient s’exprimer clairement en soutien à Maryam Pougetoux et penser ensemble les modalités d’une réponse à la contre-offensive sécuritaire du gouvernement.