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Transports

Allemagne : la GDL brise la grève des cheminots pour ouvrir des négociations opaques avec la direction

Après près d'une semaine de grève historique, la direction du Syndicat des conducteurs de locomotive allemands (GDL) a choisi de mettre fin à toute grève pendant 1 mois pour entamer une négociation dont les travailleurs ne connaîtront aucun détail.

Dorian Maffei

29 janvier

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Allemagne : la GDL brise la grève des cheminots pour ouvrir des négociations opaques avec la direction

Crédit photo : JuergenG/Wikimedia Commons

Décidément, les travailleurs des chemins de fer allemands souffrent de leurs directions syndicales. Les accords négociés au rabais par le principal syndicat, l’EVG (180 000 membres), à l’été 2023 avaient mis un premier coup d’arrêt à la mobilisation des cheminots allemands contre l’inflation.

Face à cet empressement de l’EVG à abandonner la lutte, alors même que 48% de sa base souhaitait la continuer, la GDL (40 000 membres) était apparue aux yeux de nombreux travailleurs comme la nouvelle direction des mouvements de protestation contre la direction de la Deutsche Bahn. Elle portait à ce titre des revendications prometteuses : augmentation des salaires à hauteur de l’inflation pour tous les employés et réduction du temps de travail sans perte de salaire pour les travailleurs postés, en accord avec les aspirations des salariés.

Face aux refus répétés de la direction d’apporter des réponses substantielles à ces revendications, la GDL avait organisé la semaine dernière une grève historique qui aura duré un peu moins d’une semaine.

Une grève conclue plus tôt que prévue pour « négocier », et pas de reprise en vue au moins avant le mois de mars

Avant-hier, le syndicat a signé un accord écrit avec la direction de la Deutsche Bahn et, s’estimant dans son communiqué « tenu de maintenir la paix » jusqu’à la fin des négociations, a décidé de mettre fin à la grève « de manière anticipée ». Les salariés ont donc repris le travail hier à 18h dans le transport de marchandise et ce matin à 2h dans le transport de voyageurs, au lieu de 18h ce soir pour tous, comme c’était initialement prévu.

Les syndiqués de la GDL ont voté à 97% pour la grève en décembre, mais c’est la direction du syndicat qui, seule, a décidé qu’il était temps qu’elle se termine, comme elle avait déjà décidé seule de fixer une date de fin avant même qu’elle ne débute. Et c’est sans aucune garanties que le dirigeant du syndicat Claus Weselsky (par ailleurs membre du parti d’Angela Merkel) se félicite, dans le communiqué, de « la volonté de la DB de négocier sur la réduction du temps de travail des travailleurs postés ».

La direction semble prête à « parler » (et non à promettre) d’une augmentation en montant plutôt qu’en proportion du salaire, et a annoncé accorder une prime défiscalisée de 1500 euros en mars (divisée par deux pour les travailleurs qui font moins d’un demi-temps et pour les stagiaires).

Ces miettes et vagues espoirs sont tout ce qui justifie pour la direction du syndicat d’écarter préalablement une possibilité de grève au moins entre le 5 février et le 3 mars. Un délai qui n’est en plus de ça qu’un minimum, puisque d’après les « sources proches des négociations » de l’AFP rapportées par 20minutes, « cette période pourrait être prolongée ».

Une telle stratégie de conciliation est en réalité au bénéfice seul du patronat, et à l’inverse du rapport de force qu’il faudrait instaurer pour obtenir les revendications des travailleurs grévistes, que la Deutsche Bahn a déjà plusieurs fois qualifié d’inacceptables. Les grévistes du rail avaient pourtant commencé, la semaine dernière, à initier un tel rapport de force. Nous écrivions alors que leur auto-organisation, qu’ils soient syndiqués à la GDL, à l’EVG ou non-syndiqués, était une condition sine qua non pour l’extension de la grève, sa prise en main par les premiers concernés et, au final, une issue victorieuse.

Des négociations soumises à une « stricte confidentialité » qui se dérouleront sans les travailleurs

Loin de tout cela, la direction de la GDL a annoncé, comme une trahison supplémentaire, que les discussions avec la direction se feront à huis clos et que leur contenu sera soumis à une « stricte confidentialité », c’est-à-dire sans que les grévistes n’aient le moindre droit de regard sur ces négociations qui se feront dans leur dos et sur leur dos. Cet impératif, qui ne peut avoir été exigé que par la direction de la Deutsche Bahn, vise en réalité à laisser les mains libre aux dirigeants de la GDL pour obtenir un nouvel accord au rabais tout en s’assurant que les travailleurs de la base ne pourront pas s’indigner de la tenue des négociations et les déborder en prenant eux même en main le conflit.

Ainsi, voici un extrait du communiqué de la honte publié avant-hier sur le site du syndicat : « Les parties à la négociation collective ont fixé une date limite du 5 février au 3 mars 2024 pour mener à bien les négociations. Durant cette période, il y a un devoir de paix. Il n’y aura aucune communication tant que les négociations ne seront pas conclues. Tout le contenu, le statut intermédiaire, les résultats intermédiaires, etc. sont soumis à une stricte confidentialité et ne seront pas divulgués au monde extérieur ». « Monde extérieur » dont les salariés font apparemment partie.

La grève de la semaine dernière a démontré qu’elle était la hantise de la direction et du patronat

À l’opposé de tous les arrangements que peuvent conclure entre quatre murs le patronat et des dirigeants syndicaux qui n’ont pas mis les pieds dans l’entreprise pour y travailler depuis bien longtemps, la grève de la semaine dernière a démontré la force de frappe des travailleurs qui ont paralysé pendant plusieurs jours la quasi totalité des trains longue distance.

Le ministre des transports Volker Wissing avait déclaré que la grève était « inacceptable » tandis que la presse bourgeoise avait mené une offensive anti-grève, en s’appuyant sur la « détresse » des usagers, mais en révélant surtout sa principale préoccupation : « les coûts pour l’économie : de nombreuses entreprises pourraient manquer de matériel d’ici lundi » tel que le formulait cet éditorial intitulé : « Grève des cheminots : plus rien ne peut la justifier » paru dans l’un des principaux médias allemands et qui se conclue par « la société et le législateur devraient progressivement fixer des limites à cette activité » (autrement dit, à la grève).

Pour l’heure, les salariés du rail sont placés pendant plus d’un mois dans l’attente de ce qui va ressortir des négociations entre la GDL et la Deutsche Bahn. Il faudra tirer les bilans de cette expérience pour aller, à l’avenir, vers une prise en main de la grève par les grévistes, seule chose qui puisse permettre de résister à toutes les pressions à la conciliation auxquelles les directions syndicales sont particulièrement perméables et permettre aux travailleurs d’arracher enfin des vraies victoires.


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