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Edito

« Marche contre l’antisémitisme » de Larcher et Braun-Pivet : un pôle réactionnaire s’affirme

Indépendamment des motivations de ceux qui y ont participé, la « marche contre l’antisémitisme » de dimanche exprime l'affirmation d’un pôle réactionnaire dans le pays. Une dynamique face à laquelle il faut construire un pôle d’indépendance de classe, opposé à tous les racismes, solidaire de la Palestine et en lutte contre le gouvernement.

Nathan Deas

14 novembre 2023

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« Marche contre l'antisémitisme » de Larcher et Braun-Pivet : un pôle réactionnaire s'affirme

Crédit photo : Elisabeth Borne sur X, @gouv

105 000 personnes ont défilé ce dimanche à Paris selon la préfecture et 182 000 dans l’ensemble du pays après l’appel de Gérard Larcher (LR) et Yaël Braun-Pivet (Renaissance) à une « marche civique » contre l’antisémitisme. Une mobilisation qui s’est appuyée sur l’émotion suscitée par la recrudescence des actes racistes ciblant les personnes juives, mais dont le contenu objectif, loin des enjeux légitimes de la lutte contre l’antisémitisme, traduit une tout autre perspective.

« Une marche contre l’antisémitisme » aux côtés des figures du régime et de l’extrême droite

Indéniablement, si la « marche contre l’antisémitisme » n’a pas constitué un raz de marée, notamment en comparaison avec la dernière grande manifestation contre l’antisémitisme organisée en mai 1990 en réaction à la profanation du cimetière juif de Carpentras par quatre néonazis, il y avait du monde dans les rues de Paris et de France, avec une centralité de la manifestation parisienne et des cortèges dans plus de soixante-dix villes dont Marseille (7 500 personnes), Strasbourg (5 000), ou encore Grenoble (3 700).

Parmi les manifestants, « peu de jeunes » notent de nombreux journalistes, mais une majorité de trentenaires, de quarantenaires et de cinquantenaires souvent issus des classes moyennes supérieures et vivant dans les grandes villes. Certains arborent des pancartes contre « l’antisémitisme », d’autres, plus rares, contre « les racistes, le RN et Zemmour ».

Indépendamment cependant des motivations d’une partie de ceux qui y ont participé, cette « marche » contre le racisme anti-juifs, à l’initiative des présidences du Sénat et de l’Assemblée nationale, a rempli l’office qu’elle s’était fixée. Dans la droite lignée de l’instrumentalisation depuis le 7 octobre dernier par le gouvernement et la droite des enjeux liés à l’antisémitisme, c’est un parterre de « figures » du régime qui a pris part à un grand décrassage « républicain » au nom de la construction d’une « union nationale » réactionnaire qui a vocation sur le sol national à appuyer la politique extérieure de soutien à l’offensive génocidaire d’Israël.

Ainsi, de Nicolas Sarkozy à François Hollande, en passant par Manuel Valls, Edouard Philippe, Jean Castex, François de Rugy, Laurent Fabius, Claude Bartolone, Elisabeth Borne et les députés de la macronie, ou encore nombre d’élus LR, tout ce que la Vème République a fait de pire s’était donné rendez-vous à Paris ce dimanche. Une « réunion » des principaux instigateurs des plus terribles attaques xénophobes de ces dernières années, de la déchéance de nationalité à la « karcherisation » des quartiers populaires et aux offensives successives sur l’immigration, dans laquelle l’extrême droite avait évidemment toute sa place.

S’il fallait une preuve de plus que la lutte contre l’antisémitisme n’était pas la priorité du jour, le Rassemblement national de Jordan Bardella et Marine le Pen ont pu défiler, et même être applaudis par la foule. De même, Eric Zemmour et Marion Maréchal ont profité de l’occasion pour appeler à construire une « digue » contre la « gangrène islamiste » et sonner une nouvelle charge contre les musulmans, les associant aux actes antisémites de ces dernières semaines. Dans le même temps, dans les cortèges, à Paris, deux journalistes de France Inter ont été agressés, un homme a été roué de coup pour avoir scandé « Free Palestine », un autre tabassé par la Ligue de défense juive pour avoir crié « Dégage Marine Le Pen ».

Face à la mobilisation en soutien à la Palestine et en défense d’Israël, un pôle réactionnaire s’affirme

La manifestation de ce dimanche a ainsi traduit une feuille de route très claire pour le pôle réactionnaire qui y a défilé : réaffirmer le soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël et au massacre en cours, faire contrepoids à la dynamique des mobilisations de solidarité pour la Palestine en France comme à l’international, continuer à instrumentaliser l’antisémitisme au service de la criminalisation de cette cause et mener les attaques du régime dont le cours autoritaire et raciste se poursuit ces dernières semaines.

Il n’est ainsi pas anodin que la France, dont le durcissement du régime avait été souligné à l’international pendant la réforme des retraites, ait sans doute été l’un des seuls pays au monde à organiser pareille « marche », mais aussi que cette mobilisation ait rassemblé tous les partis qui soutiennent actuellement une loi immigration d’une brutalité historique, ou s’en sont fait la caution de « gauche ».

En ce sens, la participation du Parti socialiste, d’Europe Écologie les Verts et du Parti communiste illustrent une nouvelle fois l’appartenance de ces organisations au régime. Une position d’autant plus funeste qu’à Paris, Fabien Roussel, Olivier Faure et Marine Tondelier, qui avaient annoncé vouloir former « un cordon républicain » pour se distinguer de l’extrême droite, ont été accueillis par des huées et des insultes. Une délégation complétée par certains des frondeurs de la France Insoumise, à l’instar de Clémentine Autain, François Ruffin ou encore Alexis Corbière qui ont marché « contre l’antisémitisme » à Strasbourg au prétexte que l’extrême droite n’y marchait pas et qui n’a pas moins constitué un soutien à l’opération d’« union nationale ».

Une caution « de gauche » qui donc n’aura servi à rien d’autre qu’à appuyer la criminalisation future des forces politiques et associatives qui ont refusé de participer à cette mascarade. Une initiative d’autant plus gênante que la « marche » a constitué, de l’avis de tous, une nouvelle étape sur le chemin de la normalisation du Rassemblement national et de l’extrême-droite dans son ensemble. Der Spiegel, un quotidien allemand titrait ainsi dimanche soir : « le jour où Marine le Pen est devenue éligible pour les juifs (sic) ».

Contre l’antisémitisme et son instrumentalisation par les forces du régime et en soutien à la cause palestinienne : il faut une riposte d’ensemble !

En dépit de ces éléments réactionnaires, le mouvement de solidarité en direction du peuple palestinien continue de se structurer en France et à l’international avec de nouvelles manifestations monstres partout dans le monde ce week-end, mobilisant des secteurs de la jeunesse, le monde du travail et les quartiers populaires. L’absence totale de ces derniers dimanche souligne les fragilités de l’« union nationale » appelée de ses vœux par le pôle réactionnaire.

Dans les années 1960, l’affaiblissement de l’impérialisme à travers les processus de libération nationale et l’opposition aux guerres coloniales avaient présidé à la structuration de franges importantes du mouvement ouvrier qui, à partir de 1968, ont été les protagonistes centraux de la poussée révolutionnaire. Dans le contexte actuel, la question palestinienne pourrait jouer un rôle de détonateur : la mobilisation historique de la jeunesse aux Etats-Unis mais aussi les manifestations monstres au Royaume-Uni montrent la voie à suivre.

Une mobilisation qu’il s’agit, en France, de continuer à construire en forgeant un pôle d’indépendance de classe, opposé à tous les racismes et à leur instrumentalisation et solidaires des peuples opprimés comme le peuple palestinien. Alors que l’État d’Israël ne peut se maintenir qu’avec l’appui de l’impérialisme, notamment des Etats-Unis mais aussi de la France, nous devons lutter contre les complices du massacre en cours, Etats et multinationales, en solidarité avec les peuples qui se soulèvent ces dernières semaines et dont la mobilisation est essentielle, à commencer par les masses arabes.

Ce combat est celui de tous les travailleurs et classes populaires, car ceux qui ont défilé en tête de marche dimanche sont les mêmes qui passaient en force la réforme de retraites il y a quelques mois, s’opposent à toute augmentation des salaires main dans la main avec le patronat et dégradent nos conditions de vie. Alors que les directions du mouvement ouvrier, et notamment la CGT, ont à juste titre refusé de s’aligner derrière une « unité nationale » réactionnaire, il faut organiser une riposte d’ensemble, en solidarité avec la Palestine, pour le retrait immédiat de la loi immigration, pour les salaires et contre le cours autoritaire du régime.

En ce sens, l’enjeu des prochains jours et semaines est plus que jamais d’élargir le mouvement pour la Palestine et ses revendications, en impulsant des comités de soutien sur les lieux d’étude, de vie et de travail, comme cela existe dans les universités, notamment à l’initiative du Poing Levé et d’Urgence Palestine, et en construisant un plan pour affronter le pôle réactionnaire.


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